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Article
paru dans LE FILM FRANÇAIS,
le 19 mai 2002
Nathalie Baye, la plénitude
d'une carrière.
Propos
recueillis par Marie-Claude Arbaudie.
Elle a été
choisie par Spielberg pour jouer la mère
de Leonardo DiCaprio dans son dernier film.
Elle enchaîne à la fin du mois
avec Claude Chabrol. Rencontre avec une
comédienne comblée.
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Le Film
Français : Vous venez de
tourner aux États-Unis dans le nouveau
film de Spielberg, Catch Me If You Can,
où vous incarnez la mère de Leonardo
DiCaprio. Une chance rare pour une comédienne
française.
Nathalie Baye : C'est un
petit rôle – je n'avais que dix
jours de tournage –, mais ce qui m'intéressait,
c'est l'expérience magnifique que cela
représentait. Spielberg est encore mieux
que ce qu'on rêve. Truffaut, qui avait tourné
avec lui, m'avait déjà parlé
de son enthousiasme, de sa rapidité, de
sa tendresse pour les acteurs. Et je l'ai vérifié.
Spielberg aime tourner dans l'urgence. Il fait
peu de prises et a un rapport très affectif
avec les êtres. Il travaille avec la même
équipe depuis sept films, ce qui renforce
cet aspect affectif et cette rapidité.
Travailler avec lui est à la fois incroyablement
intense et ludique. On bosse, mais dans le plaisir.
Et sur ce film sans effets spéciaux, reposant
donc sur les acteurs, c'était particulièrement
sensible.
Le Film
Français : Pourtant, un tournage
comme celui-ci est une énorme machine.
Nathalie Baye : Il y a en
permanence 150 personnes sur le plateau, mais
il sait préserver le côté
humain, quasi artisanal. J'ai vécu deux
expériences extrêmes : un Godard
où nous étions en tout quatre sur
le plateau, et celui-ci. J'ai le sentiment qu'
on faisait la même chose.
Le Film
Français : Spielberg semble
être très timide. Est-il très
dirigiste avac les acteurs ?
Nathalie Baye : C'est vrai
qu'il est timide. Mais sur le plateau, il est
chez lui. C'est sa vie. Le plateau est d'ailleurs
très ouvert. Ses copains passent, il y
a une animation invraisemblable. Encore une fois,
ce qui m'a vraiment marquée c'est ce mélange
de travail et de gaieté. Avec les acteurs,
il va très vite, on ne cherche pas, mais
il laisse la place à l'improvisation. On
peut se parler.
Le Film
Français : Comment avez-vous
été choisie ?
Nathalie Baye : Je suppose
qu'il avait une liste de comédiennes françaises
(le personnage est français). J'ai fait
des essais avec Brian de Palma. Et c'est tout.
Le Film
Français : Vous vous êtes
préparée au rôle ?
Nathalie Baye : J'avais
déjà tourné en anglais. J'ai
travaillé en amont, comme je le fais toujours,
pour ne plus avoir que du plaisir. J'avais un
coach, mais de la même façon que
Tom Hanks ou Leonardo DiCaprio. En fait, c'est
une pratique qui s'est généralisée
depuis Le choix de Sophie et c 'est un
peu Meryl Streep qui a lancé la mode. Aujourd'hui,
les Américains se soucient de l'accent
du personnage, qu'il soit de New York ou du Texas.
L'accent amène une couleur et une authenticité
au personnage. En France, on a tendance à
le gommer. Quand j'ai joué La provinciale,
cela aurait donné une autre dimension au
personnage.
Le Film
Français : Le film est inspiré
d'une histoire vraie.
Nathalie Baye : Le personnage
existe, aujourd'hui il a 60 ans. Après
avoir été truand et purgé
sa peine, il est entré à la CIA
et a démantelé des réseaux.
C'est Leonardo DiCaprio qui avait proposé
ce scénario à Spielberg.
Le Film
Français : Quels ont été
vos rapports avec lui ?
Nathalie Baye : C'est un
acteur magnifique, un bosseur acharné et
un homme très bien. Il n'est pas du tout
abîmé par ce qui lui est arrivé.
Et il ne se contente pas de ses dons. Il travaille
énormément. C'est aussi ce qui m'a
frappée : les Américains bossent
beaucoup. Je crois moi aussi à la vertu
du travail. Sans doute parce que je viens de la
danse. Plus on travaille, moins on voit le travail.
Le Film
Français : Et votre personnage
dans le film ?
Nathalie Baye : La mère
du personnage n'est ni une bonne mère,
ni une bonne épouse. Elle est un peu border-line.
C'est ce qui m'a intéressée.
Le Film
Français : Vous enchaînez
à la fin du mois avec un film de Chabrol
avec lequel vous n'avez jamais tourné.
Nathalie Baye : Il m'avait
proposé un rôle il y a longtemps
mais je n'avais pas pu le faire. Il y a deux ans,
nous avons eu un autre projet ensemble qui n'a
pas abouti. Nous nous trouvons enfin sur ce film,
La fleur du mal, dont je vous dirai seulement
que c'est une histoire de famille à la
Chabrol, que nous tournons à Bordeaux avec
Benoît Magimel, Suzanne Flon, Bernard Le
Coq et Mélanie Doutey. Passer de Spielberg
à Chabrol est un grand bonheur. Changer
d'univers, c'est tout le plaisir de ce métier.
C'est ce voyage qui nous tient toujours en éveil.
J'aime ces rencontres. Quand je n'ai plus mes
repères, je suis enchantée. Cet
inconfort me stimule. Et j'ai la chance qu'on
m'offre cette possibilité.
Le Film
Français : On a le sentiment
effectivement que vous avez beaucoup plus d'opportunités
aujourd'hui qu'hier. Pourquoi ?
Nathalie Baye : Quand vous
avez une carrière d'une certaine longueur,
il y a forcément des hauts et des bas,
des périodes d'harmonie et des périodes
de non-désir des autres. Je ne veux pas
analyser, ce n'est pas dans mon caractère.
Je préfère déguster ce qui
arrive.
Le Film
Français : Cependant, où
situez-vous le virage ?
Nathalie Baye : Je crois
que c'est à partir d'Un week-end sur
deux de Nicole Garcia que les choses ont
changé. Ce film a cassé mon image
de fille lisse et gentille. Et il y a eu évidemment
le succès de Vénus Beauté...
avec le côté émouvant et saugrenu
du personnage.
Le Film
Français : L'âge, toujours
vécu comme un problème pour les
comédiennes, n'est-il pas aussi une libération ?
Nathalie Baye : Absolument.
Plus ça va, plus on se lâche et plus
on s'amuse aussi. Nous, comédiennes françaises,
avons beaucoup de chance. Meryl Streep, Susan
Sarandon, Angelica Huston n'ont pas cette chance.
Aux États-Unis, au-delà de 35 ans,
vous n'existez plus.
Le Film
Français : Comment expliquez-vous
cela ?
Nathalie Baye : En France,
les femmes réalisatrices ont fait évoluer
les choses. Je pense aussi que le cinéma
est plus diversifié, les auteurs plus audacieux.
Et puis la société a changé.
Le regard porté sur une femme de 50 ans,
par exemple, a beaucoup évolué en
20 ans.
Le Film
Français : Les rôles
qu'on vous propose sont beaucoup plus variés
aujourd'hui qu'hier.
Nathalie Baye : J'ai toujours
refusé la notion d'emploi. C'est vrai qu'on
m'a perçue comme une actrice en demi-teinte
et que j 'ai été victime du regard
des cinéastes. Aujourd'hui, j'ai envie
de tout jouer. Évidemment, c'est avec Absolument
fabuleux que je suis allée le plus
loin. Ça m'intéressait de savoir
si je pouvais le faire. Même un personnage
diabolique sans aucune séduction m'intéresserait.
C'est un grand luxe de pouvoir dire ça.
Aussi, cette chance, je la déguste.
Le Film
Français : Vous vous êtes
impliquée personnellement dans L'enfant
des Lumières pour la télévision.
Êtes-vous prête à faire la
même chose pour le cinéma ?
Nathalie Baye : J'ai voulu
faire L'enfant des Lumières parce
que c' est ce que j'aime voir à la télévision
et qu'elle est faite pour ça. En revanche,
je n'ai jamais initié de films. Je n'ai
pas l'audace nécessaire. Pourtant je lis
beaucoup, mais je lis pour le plaisir, je ne lis
pas utile. Je n'ai pas ce réflexe-là.
Mais j'ai eu un tel plaisir de voir aboutir ce
projet que je vais peut-être m'y mettre.
Le Film
Français : Y a-t-il des metteurs
en scène avec lesquels vous aimeriez travailler ?
Nathalie Baye : Noémie
Lvovsky, mais ça je vais le faire fin août.
Le scénario est magnifique ; c'es
l'histoire de deux couples. Je forme l'un d'eux
avec Jean-Pierre Bacri. C'est Claude Berri qui
produit. J'aimerais aussi travailler avec Cédric
Kahn, Claire Denis, Benoît Jacquot, Coline
Serreau. J'aimerais retravailler avec Nicole Garcia
et j'aurai toujours le regret de de ne pas avoir
fait un plus long chemin avec Claude Sautet.
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